Annie Mignard  écrivain

discussion sur ce que sont des co-auteurs

(à propos de “La mémoire d’Hélène”, Ed. Maspero/“La mémoire du peuple”)

Annie Mignard, “L’un écrit, l’autre signe”, La Quinzaine littéraire

Philippe Lejeune, “L’autobiographie de ceux qui n’écrivent pas. Qui est l’auteur?” dans “Je est un autre”, Seuil/”Poétique”


commentaire dans un ouvrage à l’étranger

par Wander Melo Miranda dans “Corpos escritos”, EdUSP, UFMG, Brésil

C’est l’histoire de mon amitié explosée avec une mamma juive hongroise immigrée depuis 1930, Hélène Elek, dont j’ai connu la tribu avant de la connaître.

Hélène Elek était déprimée de la mort de son fils aîné, fusillé dans les FTP-MOI, un de L’Affiche rouge chantée par Aragon, Thomas Elek, dont elle avait fait donner le prénom à une douzaine de garçons nés depuis. Je connaissais pour ma part deux de ses petits-fils Thomas.

J’ai pensé qu’elle serait moins déprimée si le souvenir de son fils pouvait durer en papier. J’ai dit à ma vieille amie: “Hélène, vous voulez qu’on fasse un livre ensemble?


Elle parlait mal le français et ne l’écrivait pas. Et comme ce qu’elle disait sur son fils pendant la Résistance était trop peu pour un livre, je l’ai interrogée (et aussi ses enfants) sur sa vie.

La transcription que j’avais tapée de mes interviews a été refusée par deux éditeurs(“Cette femme communiste n’a rien compris”, pour l’un. “Trop gros travail littéraire à faire”, pour l’autre).

Un an plus tard, l’éditeur François Maspero a accepté mon projet, y compris une postface, dans sa collection “La mémoire du peuple”, et nous a fait un seul contrat à deux co-auteurs siamoises.

J’ai rendu le manuscrit, intitulé “La mémoire”(au féminin), et non “Les mémoires (au masculin pluriel) d’Hélène”. Quand j’ai reçu les épreuves à corriger, mon nom était absent.


En respect du contrat, j’ai demandé à avoir mon nom à égalité sur la couverture, comme le faisaient au même moment les meilleurs éditeurs (Minuit). François Maspero a répondu qu’il allait sortir le livre sans mon bon à tirer, selon le désir d’Hélène Elek de n’avoir ni co-auteur ni postface.

J’ai bégayé tellement pendant deux mois que j’étais inintelligible.

Puis François Maspero a proposé qu’elle soit auteur et moi nègre. Comme, loin d’être “nègre” de l’éditeur tardif, j’étais à l’origine du livre que j’avais proposé comme acte d’amitié à ma vieille amie, j’ai refusé. De même qu’un tableau de Magritte représentant une pomme écrit “Ceci n’est pas une pomme”: c’est un tableau, de même un livre n’est pas “une vie”: c’est un livre.


Philippe Lejeune a extrait, de notre polémique dans les médias qui s’en est suivie, mon article dans La Quinzaine littéraire, “L’un écrit, l’autre signe”, et celui de François Maspero “Qui est le nègre?”, pour illustrer un chapitre de son essai Je est un autre”, intitulé “L’autobiographie de ceux qui n’écrivent pas. Qui est l’auteur?”, sur les nègres et les “autobiographies au magnétophone” de gens du peuple.

Voir aussi tous les commentaires de Qu’est-ce que des co-auteurs?, et parmi eux les commentaires d’inspiration plutôt historique sur “L’un écrit, l’autre signe”.

Au Brésil, Wander Melo Miranda a étudié ce chapitre de Philippe Lejeune et notre polémique dans le courant de sa thèse de doctorat sur Graciliano Ramos et Silviano Santiago (Universidade de São Paulo 1987), qu’il a résumée en 1992 dans un livre: “Corpos escritos”.

                                             


Wander Melo MIRANDA

Universidade de São Paulo

CORPOS ESCRITOS: Graciliano Ramos e Silviano Santiago

Editora da Universidade de São Paulo. Editora UFMG, 1992


Chapitre AUTO(BIO)GRAFAR (Extrait, pp. 38-39)




    “Tendo em vista esse contexto, Lejeune procura rever a escrita autobiográfica tradicional, a partir da dicotomia entre “modelo” e “escrita” inerente à prática das autobiografias compostas em colaboração, nas quais o estatudo da autoria aparece irremediavelmente fragmentado, em virtude da atuação do “redator” (nègre).

    O exemplo escolhido é o da polêmica entre o editor François Maspero e Annie Mignard, redatore de Mémoire d’Hélène, de Hélène Elek, desencadeada desde o momento em que o editor se nega a cumprir a exigência de redatora de partilhar a autoria do livro publicado com Hélène e de desfrutar as mesmos vantageus da “autora”. Mais do que uma disputa pessoal, a discussão do problema serve para esclarecer pontos relevantes acerca da produção e do funcionamento do texto autobiográfico, principalmente no que se refere ao fato de que a divisão do trabalho entre o que conta (“modelo”) e o que redige (“redator”), nas autobiografias em colaboração, propicia o questionamento da crença de uma unidade que a noção de autor e a de pessoa subentendem no gênero autobiográfico.”