Annie Mignard  écrivain

dossier de presse de “7 Histoires d’amour”



SPECTACLES DU MONDE - Eric Deschodt


SEPT HISTOIRES D’AMOUR

Annie Mignard



  Dans ces sept récits, dont la gaieté ou l’optimisme ne sont pas les vertus dominantes (mais l’optimisme et la gaieté sont-ils des vertus?), l’amour est un maître absolu. Jusqu’au dégoût qu’il inspire à la dernière héroïne de ce recueil, petite fille de Marseille de bonne heure harcelée par divers obsédés, désespérée de pressentir qu’un jour elle se laissera d’elle-même aller aux gestes dégoûtants qu’on a voulu lui imposer et qu’elle n’a cessé de fuir.


  D’une liaison de village, qui triomphe de la répression, de l’espionnage et des murmures, pour enfin s’épanouir en paix, au suicide d’une femme qui a découvert en se réveillant son mari mort à côté d’elle, Annie Mignard s’impose d’abord comme un auteur tragique: l’amour est achèvement, mais achèvement mortel, et le plus sûr moyen d’être heureux serait peut-être de savoir s’en garder. Peut-être, mais l’on sent bien que cette prudence serait la précaution la plus médiocre du monde et qu’il y va, pour l’auteur, de la dignité de l’être humain d’accepter les ravissements vertigineux où il emporte ses victimes, qu’il ne comble que pour mieux les priver.


  Heureux amants: en dépit des persécutions, conjoint abandonné par l’effet d’un coup de foudre, homosexuel appelant la mort d’une dernière passade, insatisfaite dévastatrice, tous les personnages de ce défilé sont en marche vers leur malheur, et il se dégage



pourtant de cette galerie de misérables une étrange impression de victoire. Cette succession d’aventures navrantes et minuscules dégage une admirable énergie.


  Le style en est responsable. L’auteur écrit avec une économie si exacte que la proportion de ses phrases qui font mouche est presque anormalement élevée. Une constante violence sous-tend cette précision. Violence tonique, chargée d’ironie, d’un recul qui apporte aux scènes les plus lamentables une drôlerie frappante que l’on s’étonne de ressentir, sur laquelle on revient, doutant si on a justement lu. Mais cet auteur pratique comme de chic une dérision que ne gâte jamais aucun soupçon d’application et qui de ce fait n’est jamais grinçante. Loin de là: elle est pleine de compassion. Ainsi décrit-elle un violoniste virtuose:


  “Il fixe ardemment sur le chef d’orchestre des yeux brillants de joie et d’impatience, comme un petit garçon qui voit Noël pour la première fois. C’est le visage de l’enfant prodige qu’il fut à cinq ans, et qu’il reprend au début du concert depuis trente ans, comme si c’était toujours la première fois.”


  L’ensemble de ces récits donne une vive impression de réserve, de réserve de puissance, ainsi qu’on peut le dire d’un moteur. Par rapport au premier livre d’Annie Mignard, La Vie sauve qui était un roman, ce recueil de “7 Histoires d’amour” témoigne d’une nouvelle maîtrise et, compte tenu de cette réserve de capacité qu’il laisse deviner, on souhaite à l’auteur de se lancer dans de grandes et longues histoires où elle pourrait se déployer tout entière.